Elles
étaient étonnées, les mains !
Ce
matin-là, elles étaient libres…
Blanches
et libres.
La
femme ne s’était rendu compte de rien.
Elle
vaquait, joyeuse, légère,
Comme
à l’accoutumée.
Elle
n’avait pas senti
Que
ses mains s’étaient dédoublées…
Libres,
les mains…
Libres !!
Qu’allaient-elles
faire de cette liberté ?
Elles
pouvaient bien sûr se rendre utiles…
La
tentation leur vint de mettre un peu de désordre et de folie dans le
monde…
Se
la couler douce aussi, pourquoi pas ?
Rester
inactives pour une fois, s’offrir un peu de calme, de douceur…
Et
puis non !
Il
y avait surement mieux à faire.
Plus
beau, peut-être…
Plus
beau ?
Comment ?
Où ? Pour qui ? Pour quoi ?
L’audace
les étreignit soudain
Et
elles s’envolèrent
Par-dessus
le jardin,
Par-dessus
les champs, les forêts…
Majestueux
ce vol !
Tant
de sensations nouvelles !
A
l’orée du bois,
Elles
se sentirent attirées,
Appelées
presque,
Par
une longue branche
Que
d’aucuns auraient dit morte
Mais
qu’elles, ressentirent plus vivante
Que
tout ce qu’elles avaient croisé jusque-là…
Il
émanait d’elle
Comme
un creux, un manque,
Une
absence, une béance,
Une
solitude peut-être…
De
toute l’évidence
De
son silence,
La
branche était invitation…
Les
mains s’approchèrent…
L’air
se transforma.
Le
moment devint grave
Comme
à l’approche d’un miracle.
Ce
fut l’index de la main droite
Qui
le premier osa le contact.
Délicat.
Ténu.
La
branche frémit,
Elle
soupira d’aise.
« Enfin »
susurra-t-elle.
Et
ce « enfin » fut d’une pureté cristalline
Qui
résonna comme un chant…
Le
chant se déroula jusqu’à l’infini de son possible.
Les
arbres autour
Les
oiseaux autour
Se
turent.
La
main gauche alors, avança à son tour
Et
posa le pouce sur la branche.
Un
son plus grave inonda les sous-bois.
C’était
Profondément
beau !
Alors
les huit autres doigts s’enhardirent
Et
tour à tour
Et
deux par deux
Et
quatre par quatre
Ils
dansèrent sur l’épiderme de la branche.
Et
chacun de leur appui donnait
Une
note merveilleuse !...
Ils
dansèrent jusqu’à s’en étourdir
Jusqu’à
n’en plus pouvoir
Jusqu’à
n’en plus vouloir !
Ce
fut, ce jour-là, le premier concerto du monde.
Et
le premier piano.